Heurs et malheurs de l'electroclash (2/3) : Dancefloor queer et électro DIY entre Munich et Berliniamsburg

L’electroclash a traversé le ciel des musiques électroniques comme une comète fugitive, que la postérité a classé quelque part entre la légende et l’acte manqué. Ce genre musical à la fois dansant, queer et refusant de se prendre au sérieux, en rupture avec la techno qui était alors de mise sur le dancefloor, avait notamment pour vedettes des groupes et artistes comme Fischerspooner, Felix Da Housecat, Tiga, Miss Kittin & The Hacker ou Ladytron. Raillée par les critiques lors de ses débuts, mise de côté par celles et ceux qui l’ont faite parce que cette étiquette, inventée par un DJ habitué des fêtes de Brooklyn, ne leur convenait pas et réactivée à l’envie depuis son extinction au milieu des années 2000 pour faire place nette à Lady GaGa ou Ke$ha, l’electroclash n’a pas cessé de diviser et de faire monter les puristes de la musique électronique dans les tours.

Dans le deuxième (et avant-dernier) épisode de cette série, nous embarquons pour un aller-simple vers le New York du début des années 2000, avec une escale à Munich. Au programme : un label qui n'a pas froid aux yeux, l'invention du terme "electroclash" dans un Brooklyn des plus berlinois et une éthique queer et festive dans un contexte d'anxiété générale au sujet du bug de l'an 2000.

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de rappeler que l'electroclash a vu le jour dans un contexte musical relativement pauvre du point de vue de la dance music. Comme le précise Michael Bullock, l'electroclash est arrivée dans une période de creux, à une période où les clubbers avaient l'impression que la musique n'évoluait pas. La scène club new-yorkaise vouait un culte à de nombreux·ses DJs ou producteurices de dance music, qui ne faisaient pas forcément dans l'innovation pour autant (1). L'electroclash a donc conservé la structure des morceaux qui faisaient fureur dans les clubs entre 23h et 6h du matin tout en y ajoutant des paroles cyniques, absurdes et potentiellement grossières, ainsi qu'une "attitude rock'n'roll" et souvent sexy (2). Bill Bois explique que les paroles étaient destinées à "choquer" le public afin de le garder éveillé, avant d'ajouter malicieusement qu'il "en fa[llait] beaucoup pour choquer les audiences des clubs, déjà entourées par les drogues [et accoutumées à la fête]".

En ce sens, le tube "Space Invaders Are Smoking Grass" de I-f, considéré comme la pierre angulaire de l'electroclash, coche (presque) toutes les cases. Entraînant et robotique, ce morceau aux paroles absurdes a à la fois donné naissance à la structure conventionnelle de ce qui sera appelé l'EDM — le classique intro/couplet/refrain/drop — et au son typique de l'electroclash, qui n'est autre que la combinaison boîte à rythmes et ligne de basse bricolée sur un synthé (3). I-f sortira également plusieurs disques sur le label munichois Disko B, fondé par Peter Wacha en 1991. Dans le catalogue, on retrouve des noms bien connus à ses côtés, tels que Robert Görl de DAF, Blake Baxter, célèbre producteur de techno de Detroit mais aussi DJ Hell, dont le label International Deejay Gigolo Records — une filiale de Disko B — aura une importance fondamentale dans la création de l'electroclash.

Munich, 1996

DJ Hell (ou Helmut Josef Geier de son vrai nom) débute sa carrière dans des clubs munichois, où il joue pêle-mêle du punk, de la new wave ou du ska avant de devenir l'un des premiers producteurs et DJs house d'Allemagne avec son morceau "My Definition of House Music" (1992) (4). Son succès le pousse à rejoindre New York, où il devient résident au club Limelight aux côtés d'un certain Jeff Mills, qui a produit des edits disco contrastant fortement avec la techno abrasive qui l'a rendu célèbre. Il les fait écouter à DJ Hell avant de lui faire don de ses morceaux afin que ce dernier puisse fonder son label. Ces edits deviendront l'EP Shifty Disco, l'une des premières sorties d'International Deejay Gigolo Records en 1996.

Gigolo fait rapidement l'effet d'un souffle d'air frais dans le paysage de la musique club de cette époque. L'esthétique du label, qu'il s'agisse du logo, des pochettes des disques ou des flyers le prouve à elle seule puisqu'il s'agit d'un "mélange entre le pop art d'Andy Warhol et le machisme kitsch d'Arnold Schwarzenegger" (6). Gigolo brouille habilement les pistes entre les différents genres musicaux et les dogmes très présents dans la musique électronique de la fin des années 90. Sa caractéristique principale n'est autre que son absence de caractéristiques. DJ Hell ne sort jamais deux disques qui se ressemblent, y compris quand une sortie rencontre un succès phénoménal. Il fait également preuve de méthodes de communication peu communes en ne forçant jamais les artistes à réaliser des interviews ou promouvoir leur travail (7). 

Parmi la longue liste d'artistes, de titres et d'albums cultes du label, on peut citer Zombie Nation et son tube "Kernkraft 400", qui se trouve également à la base de l'édifice electroclash, en plus d'avoir fait le tour des stades de foot, mais aussi la reprise de "Sunglasses at Night" par Tiga, "Emerge" de Fischerspooner qui figure sur l'album #1 (2001), Gesamkunstwerk de Dopplereffekt (dont nous avons parlé dans l'article précédent) ou le fameux "Poney Part 1" de Vitalic. Champagne!, le premier EP de Miss Kittin & The Hacker, est également sorti sur Gigolo en 1998. Certains morceaux, tels que "Frank Sinatra" ou "1982" deviennent rapidement des tubes, qui circulent dans toute l'Europe. 

Le catalogue de Gigolo n'est évidemment pas dépourvu d'un aspect provocateur. Hell se fera un plaisir de sortir l'album Man of the Future de Chris Korda, artiste, musicienne et développeuse web qui se trouve également être la fondatrice et leadeuse de la Church of Euthanasia.

Munich est également la ville des survoltées Chicks on Speed. Alex Murray-Leslie et Melissa Logan, les deux membres fondatrices de ce groupe qui est désormais un collectif, se sont rencontrées en 1997, pendant leurs études aux Beaux-Arts de la ville. S'il fallait tenter de résumer simplement l'éthique de Chicks on Speed, on pourrait dire qu'il s'agit d'une combinaison entre plusieurs disciplines, qui vont de la musique à la mode en passant par les collages, la performance et la recherche universitaire (8). Chicks on Speed Will Save Us All, le premier album officiel du groupe, est un des disques signatures de l'electroclash. On y compte pas moins de cinq covers devenues cultes, parmi lesquelles on peut citer l'indémodable "Kaltes Klares Wasser" (encore meilleur que la version originale de Malaria!, selon l'humble avis de l'autrice de ces lignes) et "Euro Trash Girl", qui a transformé le morceau de Cracker en manifeste électronique d'une jeune génération d'Européen·nes cyniques, fashion et désaxé·es (9). 

Berliniamsburg, 2001

Si Munich a été la ville de naissance de l'electroclash, New York (et plus spécifiquement le quartier de Williamsburg, à Brooklyn) sera celle de son âge d'or et de ses années les plus fastes, entre 2001 et 2003. Il est difficile de parler de l'electroclash new-yorkaise sans dire quelques mots de celui qui l'a baptisée ainsi, à savoir le DJ, organisateur de soirées et producteur Larry Tee, également connu pour avoir co-écrit "Supermodel (You Better Work)" de RuPaul. Ce dernier commence à mixer entre New York et Berlin à la fin des années 90 et devient une sorte de "liaison club" entre ces deux villes, en plus d'organiser des soirées electro et queer, qui portent le nom de Berliniamsburg et où il fait notamment jouer les Scissor Sisters, qui deviendront l'un des groupes cultes de l'electroclash (10).

Tee aurait utilisé le terme "electroclash" pour la première fois afin de décrire la vie nocturne et underground de villes telles que Berlin et Londres, ainsi que la nightlife palpitante de Williamsburg et les soirées des club kids (11) avant que ce dernier ne soit récupéré par les journalistes pour parler de la musique produite par des artistes expérimentaux·ales LGBTQIA+ (12). Tee a précisé plus tard d'où lui était venue l'idée de ce mot, devenu un parapluie englobant une multitude de genres et d'ambiances : "l'électro était un genre des années 80. Mais cette nouvelle électro rassemblait beaucoup d'éléments différents, de la funk des Detroit Grand Pubahs, à la politique chez Chicks on Speed [ou] à la sexualité chez Peaches. Pour moi, ça ressemblait à un clash [choc] d'idées et de sonorités." (13)

Craig Garrett, Soirée Berliniamsburg au Luxx (2002) - via Balice Hertling

Il est impossible de parler de l'electroclash sans mentionner le club Luxx, qui ouvre ses portes en 2001 à Williamsburg et se trouve rempli à craquer chaque week-end en dépit de sa jauge limitée à 200 personnes. C'est à l'intérieur de ce club que Tee organise ses soirées Berliniamsburg, qualifiées ainsi puisque le quartier lui rappelle Berlin, en raison du nombre exceptionnel de clubs au mètre carré (14). Williamsburg est un quartier très populaire dans le New York des années 90 en raison de ses loyers très abordables (surprise, cet endroit a subi les affres de la gentrification entre-temps 🙃) On y trouve également de nombreux clubs underground, qui sont à la fois des terrains de jeu et d'expérimentation pour des artistes qui n'ont pas froid aux yeux.

Parmi elleux, on retrouve l'inévitable duo Fischerspooner, formé par Casey Spooner et Warren Fisher, connu pour ses événements extravagants dans des clubs ou des galeries d'art, mélangeant "comédie, scandale, critique méta, sex-appeal et showbiz tape-à-l'œil" (rien que ça) (15).
Peaches (alias Merrill Nisker) est également une artiste incontournable de la scène electroclash de cette époque. Son premier album The Teaches of Peaches, sorte de punk queer électronique et DIY bourré d'humour et d'allusions à la sexualité, sort en 2000 et devient rapidement la bande-originale d'une génération entière (cf. le fameux "Fuck The Pain Away"). En 2022, Peaches s'étonnait encore du succès rencontré par ce premier album : "The Teaches of Peaches était un genre d’aperçu de la musique à venir, mais ce n’était pas non plus quelque chose qui devait être suivi. Aujourd’hui encore, je pense que c’est unique parce qu’il n’y a pas que des bangers ­— c’est punk et fun, mais aussi assez minimal. Extrême mais dépouillé, ce qui est cool parce que c’est synonyme de vulnérabilité." (16) Elle remettra le couvert en 2003 avec Fatherfucker, qui contient (entre autres club classics) "Kick It", en feat avec Iggy Pop, "I U She", un hymne à la bisexualité et "Shake Yer Dix", dont le titre parle de lui-même. Selon l'artiste, il s'agit du plus queer de ses albums et son plus grand succès : "les gens ont dit que c’était le moment où iels avaient compris ce que c’était d’être queer [même si] les mots qu’on utilise aujourd’hui n’existaient pas encore." (17)

Peaches - via Citizen Freak

Ladytron occupe également une place de choix a
u sein de cette scène aussi extravagante et colorée que cynique. Le groupe est formé à Liverpool en 1999 par Mira Aroyo et Helen Marnie en compagnie de Daniel Hunt et Reuben Wu. 604 (2001) et Light & Magic (2002), les deux premiers albums du groupe, sont également considérés comme des pépites de l'electroclash, notamment en raison de leur style electro-pop et de leurs paroles aussi exquises qu'abstraites, traitant d'amours absurdes à l'ère des nouvelles technologies, chantées en bulgare et en anglais.
Dans un genre totalement différent, comment ne pas citer Felix Da Housecat, DJ et producteur acclamé dans les milieux house et electro, qui a fait ses débuts dans le milieu house de Chicago à 14 ans. L'album Kittenz and Thee Glitz (2001) le propulse à l'avant de la scène electroclash. Il contient notamment les tubes "Silver Screen (Shower Scene)" et "Madame Hollywood" en feat avec Miss Kittin.

On retrouve la plupart de ces groupes et artistes (Peaches, Fischerspooner, Scissor Sisters...) dans la programmation de l'Electroclash Festival de Larry Tee, programmé du 10 au 14 octobre 2001 à Brooklyn. Si l'événement, qui a lieu un peu plus d'un mois après les attentats du 11 septembre, ne représentera nullement un succès financier puisque peu de gens ont le cœur à faire la fête, il aura le mérite d'attirer l'attention des journalistes culture (18). L'Electroclash Festival aura à nouveau lieu l'année suivante, avec un line-up composé du girl group W.I.T. (Whatever It Takes) dont Larry Tee est le producteur, Tracey + The Plastics, Chicks on Speed et Peaches. Deux autres éditions seront organisées en 2003 puis en 2004, avec des tournées aux États-Unis puis en Europe avant que l'electroclash ne tire sa révérence dans un mare de paillettes et de flocons de neige.
En marge de son festival et de ses soirées électro-queer, Tee créera également son label, Mogul Electro et sortira la compilation Electroclash - 2001 New York City.

"En jockstrap, en sueur et couvert·e de paillettes"

La musique de la scène electroclash est marquée par un esprit résolument DIY et l'utilisation d'instruments communs, tels que la célèbre boîte à rythme TR-808 pour les percussions ou la groovebox MC-505 dont s'est servie Peaches pour The Teaches of Peaches, en raison de son aspect pratique et ludique — l'objet servant à la fois de boîte à rythmes (et/ou de synthétiseur/sampler), de séquenceur et de contrôleur MIDI. Comme l'explique Eric Shorey, "seuls quelques groupes s’embarrassaient avec des guitares ou des batteries. Les artistes chantaient-parlaient d’un ton ennuyé ou rappaient d’une voix monocorde. Les structures des morceaux ressemblaient à la pop des années 80 ou à la techno et étaient souvent abrutissantes, avec des BPM autour de 125." (19) 

Le Tigre en concert à Indianapolis au début des années 2000 - via Wikiwand

Au-delà de cet attachement à l'aspect DIY de la musique, qui garantit une forme de liberté et d'indépendance dans la création, la scène electroclash est aussi résolument queer (mais néanmoins majoritairement blanche). JD Samson, du groupe Le Tigre, rappelle que cette dernière est née du souhait des femmes et personnes queer de s'affranchir des codes existants en musique pour créer leur propre son (20). Samson évoque également l'importance de la performance, "en opposition aux groupes plus hétéros, qui se concentraient sur le son et pas sur la mise en scène" (21) Ce soin apporté à l'esthétique, aux costumes et au spectacle se retrouve particulièrement dans les concerts de Fischerspooner, qui sont de véritables shows "digne[s] de Vegas, avec l'honnêteté et le manque de professionnalisme des balances d'un concert de punk" (22), ou ceux de Peaches, qui n'hésite pas à balancer des objets dans le public, se présenter vêtue de costumes extravagants et à s'investir corps et âme dans ses performances scéniques, au point d'avoir les genoux couverts de bleus (23). L'immense liberté créative occasionnée par la MC-505 s'est également avérée être une libération pour l'artiste, qui a aussi bien réussi à s'affranchir des normes et des règles de la dance music que des carcans imposés par la société hétéronormée aux personnes sexisées et/ou queer (24) : 

"Je pouvais être la batteuse, jouer du synthé, de la basse, je pouvais produire des sons bizarres. C’était incroyable parce que c’était toutes ces femmes qui menaient une putain de révolution en disant 'pas besoin d’être un génie pour faire de la musique électronique, tu peux l’imprégner de ta féminité badass, et de ton identité queer badass, et faire de la musique de la façon que tu veux'."

Les artistes de la scène electroclash partagent (sans surprise) une appétence pour la fête, qui leur sert d'exutoire dans un monde en crise. Casey Spooner explique que la peur collective occasionnée par le passage à l'an 2000 a été une source de motivation et d'inspiration importante pour lui et beaucoup d'autres : "C’était une période très sombre, très effrayante. J’étais en plein dans cet élan Party like it’s 1999. Je me disais 'Ok, si je dois mourir à minuit, qu’est-ce que je peux [bien] vouloir (...) faire ?' Je voulais être en train de danser en jockstrap, en sueur et couvert de paillettes.'" (25)

Le cynisme aux accents pop de l'electroclash et son apparente superficialité sont également une manière de mettre l'accent sur l'optimisme forcené d'une époque qui fabrique des boy bands et des girl groups à la chaîne, avec le second mandat de Bill Clinton en bruit de fond (26). La scène electroclash met en lumière la vacuité de la musique électronique de l'époque, qui répète encore et toujours les mêmes recettes pour tenter de faire danser des clubbers endormi·es, ou les relations romantiques qui vont droit dans le mur tout en envoyant valser le mythe de la célébrité heureuse avec beaucoup d'humour. En bref, "tout est faux" (27) mais plutôt que de dénigrer cette fausseté en se lançant dans une quête de l'authenticité perdue d'avance, il s'agit de placer cette dernière au centre du dancefloor ou de son home studio, à la manière d'un gigantesque éléphant rose, en jockstrap de préférence.

Encensée par Madonna, dénigrée par la critique

L'electroclash rencontre énormément de succès auprès du public et d'artistes cultes, tel·les que Madonna (cf. les morceaux "Music" ou "American Life"), Pulp ou les Pet Shop Boys (28). Le Luxx n'est pas seulement fréquenté par des clubbers en mal de nouveauté musicale et de fête comme on n'en faisait déjà plus. On raconte que des personnalités comme Naomi Campbell, Alexander McQueen ou Hedi Slimane s'y sont rendu·es à ses heures les plus fastes (29).

Néanmoins, cette popularité n'empêche pas l'electroclash d'être méprisée par la critique, qui lui préfère l'indie rock à la mode à cette période (les Strokes, Yeah Yeah Yeahs, LCD Soundsystem ou Interpol), considéré moins "superficiel" (30) pour les raisons évoquées précédemment : une concentration sur la musique plutôt que sur la performance et l'esthétique, l'utilisation d'instruments tels que la guitare, la basse ou la batterie dont les artistes d'electroclash n'avaient que faire, des paroles qui effectuent un retour progressif vers le premier degré et le live considéré comme objet musical à part entière et non plus un prétexte à faire la fête jusqu'à 8h du matin.

Si les journalistes montrent peu d'enthousiasme vis-à-vis de ce nouveau genre musical, c'est également le cas de la plupart des artistes de cette scène, qui se revendiquent davantage de la pop et/ou de l'électro, à l'exception de Peaches. Dans le cas de Miss Kittin & The Hacker, ces dernier·es considèrent que l'étiquette "electroclash" ne leur correspond absolument pas et voient son apparition comme un signal pour prendre du recul avec cette scène : "Quand le mot 'electroclash' est apparu, il était déjà associé à l’univers paillettes, mode… Alors qu’on aime le côté noir et blanc, dark… on voulait rester punk. C’est pour ça qu’on s’est un peu retirés." (31) Néanmoins, certain·es artistes reconnaissent l'importance qu'a eu cette période sur le contexte culturel et politique de l'époque en dépit de leur rejet de cette étiquette, malheureusement destinée à partir au lavage, comme l'explique Daniel Hunt de Ladytron (32) : 

"(...) c’était un voyage marrant, une période colorée, et ça a eu une influence sur la direction qu’a pris la pop pendant les années et les décennies qui ont suivi. Sur la route, on a rencontré des gamin·es dans des endroits perdus et ringards, dont la vie a été changée par cette scène, peu importe comment vous voulez l’appeler."

En dépit de son succès, l’electroclash n’était pas destinée à continuer d’être la BO d’une époque festive et cynique. Elle a préféré s’éteindre entre 2004 et 2008, naturellement et sans douleur, même si on retrouve ses derniers sursauts dans les discographies des monstres de l’EDM telles que Lady Gaga, Ke$ha ou Christina Aguilera. La chute de l’electroclash est étroitement liée au contexte social, politique et culturel d’une époque où la fête n’était plus franchement à l’ordre du jour. Néanmoins, cette dernière a continué d’influencer une pluralité d’artistes et de genres musicaux — un indice : on y retrouve notamment un certain album à la pochette d’un vert de très mauvais goût, au rythme duquel vous avez forcément vécu l'été dernier (y compris malgré vous), et un label anglais qui a donné au cringe ses lettres de noblesse. Mais c’est encore une autre histoire. Suite au prochain épisode ✫

Tous les morceaux cités dans cet article (et d'autres encore) sont à retrouver dans cette playlist.

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(1) (13) (14) (15) (18) (29)  “Electroclash”, Michael Bullock, The Encyclopedia of New York, 2020. 

(2) (3) (10) “Theoretically Speaking, S6:E8: What Makes Electroclash, Electroclash?”, Bill Bois, tnocs, 9 mai 2024. 

(4) (5) (6) (7) “International Deejay Gigolo Records: The Electroclash Years“, Jaegger Oslo Blog. 

(8) “Chicks on Speed”, Courtney Sanders, Under the Radar, 22 février 2013. 

(9) Le terme eurotrash fait référence aux Européen·nes trendy qui vivent aux États-Unis et sont considéré·es d'un œil péjoratif en raison de leur snobisme et de leur superficialité (traduction de la définition donnée par le dictionnaire Collins).

(11) Sous-culture new-yorkaise des années 90, très présentes dans le clubs de l'époque tels que le Limelight ou le Tunnel, dont le style était un mélange fantasque entre "techno, grunge, rave et drag" comme l'explique cet article du magazine Antidote. Si vous en avez le courage, vous pouvez (re)voir Party Monster, qui relate la descente aux enfers sanglante de son chef de file, Michael Alig. La BO, sortie en CD chez Gigolo, contient de nombreux tubes electroclash ("Frank Sinatra" de Miss Kittin & The Hacker, "Seventeen" de Ladytron, "It Can't Come Quickly Enough" des Scissor Sisters...) 

(12) (19) (30) “What Was Electroclash and Where Did it Go?”, Eric Shorey, Roland.

(16) (17) « Peaches “Find a way to exist and enjoy it“ », Damien Cummings, The Berliner, 21 juillet 2022. 

(20) (21) (24) ’Not Serious, But Seriously Fun’: How Electroclash Became a Bastion for Queer Performers 20 Years Ago“, Stephen Daw, Billboard, 24 mars 2022. 

(22) “Electroclash Festival : New York City Various Venues“, Gavin Mcinnes, NME, 2001(archive).

(23) Voir l'article "On Her Influential Debut, Peaches Seized Her Pain And Pleasure“, Sasha Geffen, North Country Public Radio, 30 septembre 2020.

(25) “2002: Deconstructing Electroclash, the Pro-Queer Musical Phenomenon“, Jason Lamphier, Out, 21 septembre 2017.

(26) (27) “Electroclash: A Brief Cultural History”, Highcollar Hillbilly, Medium, 1er octobre 2020. 

(28) Out with the old, in with the older“, Dorian Lynskey, The Guardian, 22 mars 2002.

(31)  “Interview : Miss Kittin & The Hacker, trente ans de vie commune”, Marion Sammarcelli, Tsugi, 2 mars 2023.

(32) "First Issue Revisited : Laydtron on 604. Built to Lasr“, Andy Von Pip, Under the Radar, 18 août 2022. 

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