Marietta et ses tubes de l'ombre (Legalize Demos - arvo disques, 2022)
Il y a toujours un moment dans l'année où la dépression saisonnière laisse tout le monde sur le carreau et pas seulement les personnes en manque de sérotonine depuis leur douze ans et demi. Ce moment correspond approximativement à la fin du mois du novembre, qui semble s'étirer comme un ruban noir infini aux relents de feuilles d'automne trempées par la pluie et de vin chaud si on a la (mal)chance d'avoir un marché de Noël pas loin de chez soi.
Il existe heureusement quelques solutions pour traverser cette période compliquée. La fête et le repli dans ses couvertures devant Twin Peaks ou Gilmore Girls en font partie, mais Legalize Demos, la cassette rassemblant les démos de Marietta dont la sortie est prévue le 2 décembre chez arvo disques, constitue un remède de choix pour dorloter à la fois ses oreilles et ses neurotransmetteurs.
On ne présente plus Guillaume Marietta, enfant fou de la Grande Triple Alliance Internationale de l'Est, messin, guitariste et chanteur dans les groupes A.H. Kraken, The Feeling of Love et Plastobéton. Depuis 2014, Marietta — son projet solo dont le troisième album Prazepam St. est sorti en 2020 chez Born Bad Records — régale les fans de tubes expérimentaux lo-fi et de textes surréalistes et hallucinatoires en anglais ou en français.
Legalize Demos a d'abord été un projet : celui de rassembler sur une cassette des démos de l'ombre et des inédits enfouis dans le disque dur de Guillaume Marietta, comme un hommage tout ce qu'il y a de moins posthume. Les 11 titres de la cassette comportent aussi bien des reprises ("Golden Apples" des Country Teasers, "The Foreigner (Opening Theme)" d'Ivan Kral, "I hate myself and I want to die" de Nirvana et "Jealous Guy" de John Lennon), que des morceaux inédits et une version dubée de "Chewing Your Bones", figurant sur l'album Basement Dreams are the Bedroom Cream (Born Bad, 2014).
Le tout donne un ensemble à la fois mélancolique et réjouissant, renforcé par l'impression touchante d'ouvrir un précieux tiroir musical à l'écoute de chaque nouveau morceau. À chaque tiroir ouvert, on retrouve tour à tour l'influence de Ben Wallers, guitariste et chanteur des Country Teasers ("Golden Apples", "Ant Colony"), d'un glam rock lo-fi transformé par les errances nocturnes dans des villes où le dernier bus passe à 20h ("I Hate Myself and I Want To Die", "Music Is Sacred So Is Your Betrayal") et de boucles de synthés rugueuses en forme de ballades qui s'achèvent par un déferlement noisy ("The Beekeeper Shaved His Head"). Ce florilège de morceaux (très bien) choisis est aussi bien une ode à la nostalgie d'une époque révolue (non Lou Reed ne reviendra pas d'entre les mort.es) qu'à la joie d'évoquer ces fantômes le temps d'un accord de guitare pour conjurer leur disparition, renforcé par le travail de sélection et de compilation effectué par arvo disques. Il y a donc un double hommage : hommage du label à la discographie de Marietta, hommage de Marietta à ces fantômes du rock qui ont eux aussi battu les trottoirs mouillés et lutté contre ces ennemis en forme d'idées noires qui "buvaient leur café et leur vin". L'occasion de se rappeler que la musique est aussi et toujours une affaire de trace et d'archive.
Sortie le 2 décembre chez arvo disques.
Release party + DJ set au Tony le 2 décembre.
C'est sublime ! Bravo !
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